Coquillages et boulets : De la Gaspésie à la Crimée, en passant par Québec
Gauche : Coquillages, Gaspésie, 1977 Droite : Boulets de canon Crimée, 1856
L’exploration de mes photographies de l’époque argentique provoque de nouvelles lectures de ces images. En numérisant certaines photographies noir et blanc prises en Gaspésie à l’été 1977, je redécouvre une image de petits coquillages échoués sur la plage de Belle-Anse. Une photo très banale, qui me fait me demander pourquoi j’avais déclenché mon appareil devant cette petite scène.
Photo : Alain Depocas. Coquillages, Belle-Anse, Gaspésie, 1977. Négatif 35mm Kodak Plus-X 125 ASA. Nikkormat FT2 et objectif Nikkor 85mm F/1.8
L’observation attentive de cette photo de coquillages fait surgir, malgré moi, une étrange association. En effet, les coquillages, et leurs dispositions, me rappellent soudainement la célèbre photographie de Roger Fenton, intitulée Valley of The Shadow of Death, prise en 1856 durant la guerre de Crimée. Les images de la guerre de Crimée, prisent par Fenton sont considérées être les premières photographies de guerre. Valley of The Shadow of Death a également été au centre d’une polémique concernant une possible manipulation, par le photographe, de la position des boulets de canon :
Roger Fenton, Valley of The Shadow of Death, 1856 (sans boulets sur la route)
Il existe deux versions de Valley of The Shadow of Death. La première avec des boulets de canon étalés le long d’une route, la seconde avec des boulets visibles sur la route.
Roger Fenton, Valley of The Shadow of Death, 1856 (avec boulets sur la route)
Susan Sontag (1) avait eu l’intuition de cet ordre de prise de vue et accusait Fenton d’avoir fait une mise en scène dans la seconde, en plaçant certains boulets sur la route, afin de rendre l’image plus dramatique. Errol Morris a publié une longue enquête dans le New York Times en 2007 (2), dans laquelle il prouve que c’était bien l’ordre de prise de vue, et que Sontag avait eu raison, bien qu’elle n’avait pas été en mesure de prouver son affirmation. Les boulets sont donc bien des sphères pouvant être déplacées, et le fait que Fenton avait rapporté un boulet en Angleterre pour l’offrir comme souvenir à son épouse, en est une autre preuve.
Que dit ce débat sur la photographie ? Est-elle une fidèle copie du réel, une empreinte ? Ou est-elle le résultat de décisions d’un photographe, qui choisit son cadre, son angle de vue, sa distance, et parfois déplace des objets ? Elle est les deux. Une fidèle trace d’un réel présent devant l’appareil, quel que soit le degré de manipulation des objets représentés.
Comment s’est opérée cette association entre ma photographie de 1977 et celle de Fenton, de 1856 ? Je n’en sais rien, et c’est pourquoi cela m’intéresse. Près de 50 ans après la prise de cette image de coquillages, il serait vraisemblable qu’une exposition à un nombre incalculable de photographies, ainsi que de nombreuses lectures de textes sur la photographie et de visites d’expositions, soient à l’origine d’une nouvelle lecture de cette photographie. Une lecture interprétative ajoutant une couche de signification, soit celle d’un rapprochement avec une image historique. La résonance entre les deux images procède de la considération de la forme, plutôt que du sens. Ce que la photographie enregistre d’abord, c’est une topologie de points. Ce qui soudainement fait surgir cette coïncidence visuelle c’est la sérendipité du regard qui se métamorphose en méthode : scruter les images pour y traquer les échos, les coïncidences, qui déstabilisent le récit linéaire des formes. Ainsi se construit un petit traité des ressemblances, où chaque sphère peut être tour à tour vestige de guerre ou vestige marin.
En regardant la photographie des coquillages, ceux-ci apparaissent comme de petites sphères grises. Le sable, sous l’accentuation numérique, se densifie en croûte terrestre semblable au sol compacté de la Crimée.
Je mesure alors la vertu de la sérendipité : la rencontre entre ces deux images m’enseigne que notre savoir visuel n’est pas un répertoire figé ; c’est un réseau mouvant où chaque nouvelle image peut, fortuitement, activer une connexion latente. Ces parentés inattendues rappellent que la photographie, avant de documenter, métabolise le monde en motifs – prêts à dériver, à se reconfigurer, dès qu’un regard informé les met en dialogue.
Scène ou mise en scène ?
Je ne me rappelle plus du tout si ces coquillages avaient été découverts tels quels, dans cette position, ou si mes amis, ou moi les avions regroupés ainsi. La planche contact de cette série de prises de vue ne contient pas d’image qui pourrait le démontrer.
Malgré la capacité de représenter fidèlement le réel, la photographie ne peut pas lutter contre l’amnésie. Ma perte de souvenir précis d’une possible manipulation des bigorneaux résiste à la précision des sels d’argent. Cette énigme est sans grande importance, mais entière.
On peut se poser la question des forces en présence ayant mené à ce regroupement que je présume fortuit. Les marées sans doute, ainsi que le hasard, en sont les principaux. En fait, ces coquillages sont probablement des bigorneaux, soit des escargots de mer. Ils sont donc dotés de la capacité de se mouvoir par eux-mêmes, du moins lorsqu’ils sont vivants. Ici, sur cette photographie, il est probable qu’il n’en reste que la coquille, vide.
Mais, finalement, même si je n’avais pas modifié la disposition des coquillages, mes choix d’angle, de cadrage et de distance constituent déjà une mise en scène.
À mon retour de Gaspésie, j’avais tiré de nombreuses épreuves argentiques, mais aucune de cette photographie. Cela renforce mon impression qu’elle m’avait déjà semblé banale à l’époque.
Planche contact, 1977
Je retourne à la planche contact. Elle contient plusieurs images de textures rocheuses et végétales, parfois quasi abstraites. On y voit Hans C. et la chienne Gigi. En hors-champ se trouve Nathalie C. J’ai 18 ans et je veux devenir photographe. Avec la distance temporelle, je regarde ces images, quelques dizaines de rouleaux de pellicules, et je constate que j’avais fait une sorte d’inventaire visuel de la petite région de Belle-Anse. Les coquillages se retrouvent dans cette volonté de documenter les berges, les objets qui s’y trouvent, les rochers, les vagues, et les gens que j’accompagne. Je décide de numériser cette série et d’en faire, éventuellement, un projet photographique.
Épilogue
En poursuivant mes recherches, je découvre que des exemplaires de ce type de boulet de fonte, ainsi que deux canons russes, se retrouvent sur la terrasse Dufferin, à Québec.
Selon L’historien Jean-François Caron (3) :
« [les deux canons] datent de 1749 et proviennent du butin de la guerre de Crimée (1853-1856). Ils ont été saisis par la France à la tour Malakoff lors du siège de Sébastopol le 8 septembre 1854. La France les donne alors à son allié du moment, la Grande-Bretagne, qui les offre à son tour au Canada. »
Selon Caron,
« On conservait les boulets à proximité des canons et des batteries dans un parc à boulets, soit un empilement de boulets retenus par un cadre; ils épousaient la forme d'une pyramide. »
Les boulets passent donc d’une organisation bien précise, la pyramide, à un étalement aléatoire, suite au tir de canon. Pour les bigorneaux, c’est une autre histoire.
Photo :Jean-François Caron
Conclusion
Cette mise en relation entre deux images, et les causes qui m’y ont amené, reste en partie un mystère. Ce fut comme une épiphanie de modeste ampleur. Je ne la cherchais pas, elle s’est immiscée tout doucement. Je ne crois pas que cela affectera ma manière de chercher à explorer mes anciennes images argentiques. Je ne souhaite pas poursuivre ce type d’association entre mes photographies et des images historiques. La rencontre étrange entre des bigorneaux et des boulets de canon restera donc unique.
1- Susan Sontag, Regarding the Pain of Others, 2004.
2- Errol Morris, Which Came First, the Chicken or the Egg?, New York Times, 25 septembre, 4 octobre et 23 octobre 2007. https://archive.nytimes.com/opinionator.blogs.nytimes.com/2007/09/25/which-came-first-the-chicken-or-the-egg-part-one/
3- Jean-François Caron, Tout ce qu’il faut savoir sur les canons à Québec, Journal de Québec, 24 octobre 2021. https://www.journaldequebec.com/2021/10/24/en-images-tout-ce-quil-faut-savoir-sur-les-canons-a-quebec
Analyse d’image par l'IA : du factuel au hors-champ
Sud de la France, 1983. Kodachrome 64
Cette photographie fut réalisée lors de mon premier voyage en Europe, en 1983. J’avais sans doute été attiré par le côté pittoresque de ce mur et de ces affiches déjà anciennes. La magie du Kodachrome, allié à la précision d’un objectif Nikkor, permet d’obtenir un généreux niveau de détail, invitant à l’analyse détaillée, voir exhaustive de ce qui est représenté dans ce petit rectangle.
C’est ce qui m’a incité à utiliser l’intelligence artificielle pour obtenir une liste exhaustive des choses présentes dans l’image.
J’ai fourni l’image à ChatGTP 4o, avec la requête suivante : “Tu es un expert en description d'image. Analyse cette photographie et décrit tout ce quelle contient de manière exhaustive”.
Voici le premier résultat :
Merci pour la photo ! Voici une description exhaustive de l’image :
Vue générale :
La scène montre une façade urbaine, probablement dans une petite ville ou un village en France, avec une esthétique rustique et vintage. Les murs sont jaunes à texture granuleuse, les portes en bois et les volets en bois peint témoignent d’une certaine usure, renforçant le charme ancien du lieu.
Murs : Enduit jaune ocre avec une texture rugueuse.
Fenêtres :
-Une grande fenêtre à gauche avec des volets en bois peints en blanc, partiellement fermés. Derrière les vitres, on voit un rideau jaune tiré au centre.
-Une deuxième fenêtre à droite, plus petite, également avec des volets partiellement ouverts et un pot de fleur bleu turquoise sur le rebord.
Portes :
-À gauche, une petite porte en bois grise, avec une figure de pingouin [ce n’est pas un pingouin, mais plutôt un petit ours bleu] peint ou sculpté dessus (probablement décoratif ou pour enfants), entourée d’autocollants et d’affiches usées.
-À droite, une porte en bois marron foncé, massive, avec un motif géométrique circulaire sculpté dans le panneau du bas.
-Un balcon est visible en haut à gauche, avec une rambarde en fer forgé et des plantes en pot.
Affiches et enseignes vintage :
On voit plusieurs enseignes publicitaires anciennes fixées au mur droit, rappelant les années 50-70 :
Castrol : Marque d'huile moteur.
Pile Wonder : Piles électriques ("En vente ici").
Huiles Labo : Huiles industrielles ou automobiles.
Spécial Sport : Marque difficile à lire, intégrée dans un cercle.
Pellicules Kodaks : Pour la photographie argentique.
À gauche de l’image, sur un tuyau de descente d’eau, une autre enseigne :
Butagaz : Fournisseur de gaz, reconnaissable par sa flamme bleue et rouge.
Objets au sol :
-Pots de fleurs à droite, remplis de fleurs jaunes et orangées, apportant de la vie et de la couleur.
-Boîtes et bidons sous la marquise bleue, certains identifiés comme des produits mécaniques ou d’entretien (huile, peinture…).
-Un seau rouge à gauche des marches.
-Deux verres bleus posés sur la petite tablette à gauche.
-Tuyauterie apparente et câble électrique courant le long du mur.
Autres détails :
-Une plante grimpante verte part de la gouttière et s’étale horizontalement vers les fenêtres.
Ambiance générale :
Cette image dégage une atmosphère de nostalgie. Le mélange de vintage, de fleurs colorées, de publicités anciennes et de textures authentiques crée un charme pittoresque. Cela évoque une époque révolue, figée dans le temps, avec un fort caractère visuel.
ChatGPT me fait ensuite une proposition :
Souhaites-tu que je transforme cette description en texte littéraire ou poétique ?
Je réponds : “Oui, en texte littéraire. Inspire-toi de Georges Perec“. Voici le résultat, avec quelques annotations de ma part. J’ai aussi souligné certaines choses paticullièrement intéressantes :
Parfait. Voici une transposition littéraire inspirée du style de Georges Perec, avec attention portée au détail, à l’accumulation et à l’ordinaire rendu extraordinaire :
Il y a, dans cette rue que l’on ne nomme pas, un pan de mur jaune, patiné de lumière et d’usure, qui semble avoir tout vu, tout entendu, tout gardé. Le jaune n’est pas uni : il vibre, il gratte, il accroche la lumière comme une laine rêche. Il est taché, piqué, troué par endroits. Il abrite, sans rien dire, un assemblage hétéroclite d’objets, de signes, de portes, de gestes fossilisés [étrange formule].
Deux fenêtres l’éventrent à hauteur d’étage, deux bouches vitrées aux volets pâlis. L’une a gardé son secret derrière un rideau jaune safran, l’autre entrouvre ses battants pour laisser respirer un pot de fleurs. Les fenêtres ne disent rien, mais elles regardent. Entre elles, un fil court, nerveux, tendu, comme une veine.
Au rez-de-chaussée, deux portes.
L’une, grise, fatiguée, s’incline légèrement sur ses gonds. Quelqu’un – on ne saura jamais qui – y a fixé un pingouin bleu [Ce n’est pas un pingouin], sourire figé, ventre blanc, bras écartés comme un totem bonhomme. Autour de lui, des morceaux d’affiches, déchirées, collées, recollées, vantant des marques oubliées – Jet Gazoil, peut-être.
L’autre, massive, de bois sombre, ferme, sérieuse, ornementée d’un cercle sculpté, presque rituel. Elle a dû être importante. Elle l’est encore, un peu.
Entre les deux, une marquise bleue, suspendue comme un cil fatigué, s’ouvre sur le vide. Dessous, un seau rouge, une boîte d’huile Castrol, un bidon sans nom. Tout est posé là comme s’il devait être utilisé demain, mais que demain ne venait jamais.
Et partout, les signes. Castrol. Pile Wonder. Huiles Labo. Kodaks. Spécial Sport. Butagaz. Des noms accrochés au mur comme des souvenirs de réclames, vestiges d’un monde où les murs parlaient fort. Chaque plaque dit une époque, chaque typo une décennie. Elles sont vissées là, bruyantes, colorées, prêtes à vanter, à convaincre, même si plus personne ne les regarde.
Un petit balcon de fer forgé, rouillé, suspend un pot, un reste de plante sèche. Une vigne, tenace, grimpe le long de la gouttière, puis rampe à l’horizontale, comme si elle voulait fuir la verticalité.
Il y a une table minuscule vissée dans le mur. Deux verres bleus y sont posés [est-ce vraiment des verres ?]. Personne n’y boit. Ce sont des objets en attente, des scènes en veille, des gestes suspendus.
Et tout autour, le silence d’un après-midi chaud, un silence vibrant d’abeilles, de souvenirs, de peinture écaillée.
Ensuite ChatGTP me propose ceci :
Souhaites-tu une suite, dans le même ton ? Ou une version avec une voix plus personnelle, plus intérieure ?
Je demande une suite, pour voir si ChatGPT va commencer a sortir encore plus de la description factuelle.
Voici le résultat :
Avec plaisir. Voici la suite, toujours dans l’esprit de Georges Perec, toujours dans cette minutie du réel qui s’accumule, qui s’infiltre, qui fait monde :
Le trottoir n’est pas tout à fait droit. Il oscille. Il hésite. Il monte un peu, redescend sans raison. Des marches maladroites le découpent en niveaux irréguliers. On dirait une maquette inachevée, ou une pensée distraite [Qu’est-ce qui manquerait à cette maquette ?]. Là, un seau rouge, cabossé, attend quelque chose – l’eau ? une main ? l’oubli ? Près de lui, deux boîtes de conserve, une canette de bière vide [Je ne la vois pas], un bidon d’huile – tout est là, tout est resté là, comme si la rue elle-même avait figé ses mouvements.
Le jardin, ou plutôt le rebord, ou plutôt cette avancée de béton grignotée par les fleurs, déborde de couleurs timides. Du jaune, du orange, un peu de rouge, comme des cris étouffés. Les fleurs ne sont pas plantées, elles sont posées. On les devine dans des pots ébréchés, dans des boîtes détournées, dans une bassine peut-être. Rien n’est fait pour durer. Et pourtant, tout dure.
Le mur, lui, continue de parler. Chaque enseigne, chaque plaque métallique rivée au crépi jauni semble jouer une note différente. Elles ne chantent pas ensemble, mais forment une dissonance familière. Kodaks, en jaune gras sur fond rouge. Juste à côté, un cercle où s’inscrit “Spécial Sport”, comme une balle arrêtée en plein vol [effectivement, elle en donne l’impression]. En dessous, une plaque dit “Huiles Labo”, comme une injonction technique, sévère. Et puis il y a ce “Pile Wonder”, cerclé, centré, presque autoritaire, comme un ordre donné au passant distrait : “Achetez-moi. Croyez en moi.” Mais personne ne passe.
Peut-être qu’il ne s’agit pas d’une maison. Peut-être que c’était une boutique, ou un petit atelier. Quelque chose entre les deux, quelque chose qui vendait sans vraiment vendre, qui vivait sans vraiment ouvrir. Un lieu où l'on entrait sans frapper, ou qu’on regardait sans jamais oser entrer. [ici l’IA se pose des questions. La question, c’est son mode d’interaction habituel]
Et puis il y a cette lumière. Ce soleil qui glisse sur le mur comme un linge [Je ne crois pas que le ciel était ensoleillé, il n’y a pas d’ombre ], qui fait vibrer les textures, qui souligne les fissures, les oublis, les échos d’un passé sans gloire mais sans honte. Une lumière qui semble tout savoir mais ne dit rien.
ChatGPT me propose ensuite ceci :
Souhaites-tu que cette série se prolonge encore, peut-être en décrivant ce qu’on ne voit pas directement : l’intérieur, les sons, les vies imaginées derrière ces murs ?
J’y vois un appel à imaginer un hors-champ, ce que je trouve très créatif. Je réponds “Oui, décrit le hors-champ“ :
Très bien. Voici maintenant le hors-champ, l’imaginaire de ce qui se cache derrière les murs [Je suis surpris par cette idée d’un hors champ sur la profondeur, plutôt que la bordure. Mais c’est assez fidèle à Perec. Ses descriptions méthodiques ne sortent pas de la limite qu’il s’impose. Par contre, dans La vie mode d’emploie, on voit un peu derrière les murs.], ce qu’on ne voit pas mais que tout laisse deviner — toujours dans la lignée de Georges Perec, entre détail prosaïque et fiction discrète :
Derrière la porte de bois foncé, celle avec le cercle sculpté, il y a une pièce. Pas très grande. Elle sent le bois ancien, l’huile de lin, la poussière rangée. Une table en formica gris au centre, légèrement bancale, entourée de deux chaises dépareillées. Sur la table, un cendrier jaune moutarde, un jeu de cartes incomplet, un verre retourné. Le plafond est bas. Une ampoule nue pend, éteinte, comme un œil clos.
Un buffet, en contreplaqué clair, garde dans ses tiroirs des serviettes pliées, des manuels d’utilisation [Une référence au Mode d’emploi du titre de Perec ?], peut-être un passeport expiré. À côté, une radio posée sur une pile de magazines Télé 7 Jours des années 80. Elle grésille parfois. Par habitude, quelqu’un la rallume le matin, pour écouter sans écouter.
Dans le coin, une plante verte, aux feuilles trop grandes pour son pot. Elle vit là depuis longtemps. Personne ne s’en souvient. Elle est devenue meuble, presque idée.
Parfois, un homme descend l’escalier grinçant. Il porte un gilet sans manches, des pantoufles molles. Il fait couler un café dans une cafetière émaillée, verse une goutte de lait, ne sucre jamais. Il s’assoit, sans bruit. Il regarde la porte sans la franchir. Il attend sans attendre.
Derrière la petite porte grise, celle du pingouin [Ce n’est pas un pingouin], il y a un débarras. Une pièce aveugle, saturée d’objets sans hiérarchie. Des pneus. Un landau ancien. Une radio portative. Des bocaux de vis, de clous, de morceaux. Un panneau "Ouvert" qui ne l’est plus depuis longtemps [étrange formule]. Des sacs plastiques suspendus à des clous rouillés, gonflés de rien.
Il y a aussi une odeur d’essence sèche, de métal tiède. Et peut-être, dans le silence, le bruissement d’un souvenir : un enfant qui riait ici, un tournevis qu’on reposait, un sifflement d’oiseau par la lucarne qui n’ouvre plus.
Au-dessus, derrière les volets entrouverts, il y a la vie de quelqu’un. Peut-être une femme, peut-être seule. Un rideau qui bouge quand il y a du vent. Une télévision allumée sans spectateur. Un chat qui dort dans une corbeille posée sur la chaise. Une horloge murale qui retarde de sept minutes. Un calendrier coincé sur mai 1998 [J’ai oublié d’informer ChatGPT que la photo date de 1983.].
Et dehors, toujours, ce mur jaune, ce théâtre silencieux, ce décor immobile d’où l’on ne sort pas, mais où tout entre : le soleil, la poussière, la mémoire.
Puis l’IA me propose ceci : “Souhaites-tu que je continue, peut-être avec un zoom sur un personnage qui habiterait ce lieu ?“. ChatGPT veut toujours aller plus loin, il est très créatif. Mais je veux aller dans une autre direction. Je lui demande ceci “crée une image. Montre moi le débarras derrière la porte grise.”. Bien que déçu par la qualité esthétique du résultat, je suis étonné du résultat :
Produit par ChatGPT, avril 2025
Le voici donc, ce hors-champ. L’invisible imaginé derrière une porte.
Dans cette expérience, j’ai souhaité utiliser l’IA comme révélateur potentiel de ce qu’une image peut contenir, non seulement dans sa représentation, mais aussi dans son pouvoir d’évocation.
Le texte “à la Perec” ressemble parfois trop à une recette ou à un artifice, mais avoir préciser cette nuance dans la requête permet de réduire un peu, ou de diriger, les champs des possibles, souvent beaucoup trop vaste lorsque l’on utilise l’IA.
Je vais continuer les expériences en créant un GPT spécifique à l’analyse d’images photographiques et à l’“entraîner” avec des images et des textes.
Lucas Leffler : Zilverbeek - Silver Creek, The Eriskay Connection, 2019
Dans la série Les Livres de ma bibliothèque
L’intérêt pour la photographie, et en particulier pour les livres photographiques, conduit parfois à une réflexion visant à mieux comprendre les mécanismes qui orientent les préférences envers certains photographes et ouvrages plutôt que d’autres. Certes, une part d’impulsivité ou d’attraction esthétique entre en jeu, mais l’influence de thématiques récurrentes est également perceptible. Ces thématiques agissent comme des fils conducteurs, établissant des correspondances entre différents éléments au sein d’une collection de livres photo.
Pour ma part, j’ai un grand intérêt, en photographie, pour les paysages, la nature, l’environnement, tout comme pour les ruines, les choses disparues ou en voie de l’être, et aussi pour ce qui est parfois invisible dans une image, mais, qui pourtant, fut là.
Et au sein de ces intérêts, il y a entre autres les cours d’eau et ce qui lie la photographie non numérique aux éléments chimiques et minéraux nécessaires à sa production et leurs impacts sur l’environnement.
Le livre de Lucas Leffler, Zilverbeek - Silver Creek, est précisément au confluent de ces deux sujets.
Lucas Leffler, photographe belge né en 1993, s’intéresse à la disparition progressive de l’industrie argentique, marquée par la fermeture successive de plusieurs sites de production emblématiques, notamment les usines Kodak à Rochester (États-Unis) et à Chalon-sur-Saône (France), ainsi que celles d’Ilford à Manchester (Royaume-Uni) et d’Agfa-Gevaert près d’Anvers (Belgique).
C’est dans cette usine flamande qu’il découvre, au sein des archives de la firme, un article d’un journal local, publié en 1973, faisant état d’un ruisseau, le bien nommé Zilverbeek (le ruisseau d’argent), dans lequel l’usine déversait des résidus industriels qui contenais une certaine quantité d’argent, matière indispensable à la production de films photographiques dont le principal agent photosensible se composait de sels d’argent.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
L’article faisait mention d’un ouvrier de l’usine qui avait découvert, à partir de 1927, la forte teneur en argent des boues du ruisseau. Il mit alors secrètement au point un procédé permettant de récupérer l’argent contenu dans les boues du ruisseau. Après les avoir asséchées, il les transportait vers une usine métallurgique locale afin d’en extraire le métal précieux. Grâce à cette méthode, il parvenait à récupérer environ une demi-tonne d’argent par an, un gain bien supérieur à son salaire à d’usine, qu’il quitta d’ailleurs pour se consacrer entièrement à ce petit commerce.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
Tout cela nous fait comprendre le sens du court texte imprimé au verso du livre : « C’est l’histoire d’un homme qui prend de la boue dans un ruisseau et la transforme en argent »
De nos jours, l’usine a depuis longtemps cessé ses activités et les boues du petit ruisseau ne contienne plus d’argent.
Leffler prend le parti de considérer le récit de l’ouvrier comme un mythe, révélateur de l’époque de ce que l’on a appelé la période argentique de la photographie, ce qui l’incite à développer une série d’expérimentations à partir des boues du ruisseau, des archives de l’usine, et de photographies prises dans la zone du ruisseau et de l’usine elle-même.
Zilverbeek - Silver Creek, est composé de trois sections. La première montre des photographies d’archives, datant probablement des années 1930-1960, où l’on voit des ouvriers s’affairer à la production, des machines ainsi que des photos de l’usine elle-même. La deuxième section, composée de deux pages imprimées sur un papier cartonné, contient un court texte relatant l’Histoire des rejets d’argent dans le ruisseau, ainsi que son extraction par l’ouvrier, accompagné de photographies d’archives de l’usine, en négatif. Enfin, la troisième section contient des photographies contemporaines prises par Leffler dans la zone du ruisseau. Celles-ci sont parfois assez métaphoriques, ne dévoilant pas directement leurs sujets, tels que des vues de la végétation autour du petit ruisseau, ou encore un homme debout avec une pelle et un seau, dans le brouillard. On devine qu’il s’agit du photographe, qui s’apprête, à l’instar du pionnier qui l’a précédé, de prélever de la boue au fond du Zilverbeek afin d’y rechercher des traces d’argent. D’autres images montrent un bac de développement photographique enduit de boue et une pelle souillée de cette même matière.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
Photo : Lucas Leffler
Photos : Lucas Leffler
Leffler a ensuite utilisé cette matière pour créer des « empreintes de boue » grâce à une technique de sérigraphie, dont une reproduction a été intégrée sous forme d’affiche dans le livre, à l’endos de laquelle on retrouve le texte de l’article de journal de 1973.
Mais ces boues ne contenaient plus d’argent. Leffler a donc dû ajouter de la matière sensible à la boue pour produire des images :
« Initialement j’altérais mes plans-films pour obtenir des taches et un rendu plus sombre. J’ai ensuite essayé d’ajouter à cette matière organique des couches de nitrate d’argent en gélatine liquide de manière à travailler la boue comme un papier photo et donc la rendre photosensible. J’effectue mes prises de vue en argentique ou en numérique que je transfère ensuite sur un négatif utilisé en chambre noire pour un tirage mudprint. »
Photo : Lucas Leffler
Et c’est ainsi que l’on constate que pour le photographe, ces expériences sont des sortes de tentatives de réinterprétation de ce qui fut au cœur de la production photographique avant le numérique, soit la photosensibilité de matières physique.
Leffler affirme que cette histoire l’a « d’abord intéressé pour la véracité des faits. C’est bien parce que cette histoire fabuleuse a réellement eu lieu que j’en ai fait une recherche. Mais, j’ai tenté de réinterpréter ces faits en les fictionnalisant. En me mettant moi-même en scène près du ruisseau, comme si j’étais l’ouvrier orpailleur (ou argentpailleur)». Leffler cite l’historien et théoricien Michel Poivert, qui affirme que : « Depuis une génération, la photographie connaît un courant sensible à sa rematérialisation alors que la culture numérique s’est imposée ».
Pour Leffler : « Le cœur de Zilverbeek c’est surtout la mythologie industrielle d’une pollution qui a abouti à créer un ruisseau d’argent. Mes photographies permettent de donner corps à ce qui semble une fable, un conte de fées. ».
« Donner corps », rendre visible, même métaphoriquement, un procédé disparu.
Dans ses expérimentations, la boue est autant la substance photosensible, que le « support » à une image, aussi difficile à percevoir soit-elle.
Leffler affirme n’avoir « […] jamais réellement extrait d’argent de cette boue comme il n’y en a plus depuis 50 ans. Par contre, il y a une dimension performative à ce travail, dans le sens où je revisite une histoire passée que je tente de réactiver par le biais de l’enquête et de la mise en scène ».
Ce livre témoigne parfaitement de cette pratique, faite de recherches dans les archives et sur le terrain, et d’expérimentation, et dont le plus grand intérêt est de dévoiler de manière subtile le processus même de la démarche de l’artiste.
Le travail de terrain et les expérimentations de Leffler ont ensuite évolué et une production importante d’œuvres en a résulté. Le livre ne contient qu’une seule des images réalisées avec la boue du Zilverbeek, mais on retrouve de nombreuses reproductions de ce corpus dans un document numérique disponible sur le site de l’artiste.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
Comme je le mentionnais au début de ce texte, je m’intéresse aux livres photographiques portant d’une manière ou d’une autre aux cours d’eau, ainsi qu’a la question de l’impact environnemental de la photographie de puis ses débuts.
Je vous invite à lire mes deux articles à ce propos :
Livres et ressources à propos de l’impact environnemental de la photographie
Les cours d’eau comme thématique de certains livres photographiques
LIENS EXTERNES ET RÉFÉRENCES :
Site de l’éditeur de Zilverbeek : https://www.eriskayconnection.com/zilverbeek/
Vidéo de défilement des pages de Zilverbeek : https://vimeo.com/345891261
Document visuel des œuvres de Lucas Lefler, sur son site Web : https://drive.google.com/file/d/1ElD5ZwsxJeqjadmgiyV_d8oGNjhLRc6w/view
« Zilverbeek, c'est l'histoire d'un homme qui transforme la boue en argent" : Rencontre avec Lucas Leffler ». : https://phototrend.fr/2021/11/zilverbeek-lucas-leffler-boue-en-argent/
L'ouvrier qui transformait la boue en argent dans Zilverbeek (Silver creek) :
https://fisheyemagazine.fr/article/louvrier-qui-transformait-la-boue-en-argent/
Thin Air, par Cemil Batur Gökçeer
Voici ma quatrième publication de la série Pourquoi je me passionne pour la photographie.
Elle a cette fois-ci pour sujet non pas un livre, mais une exposition, celle du photographe turc, et même Stambouliote (ici je me fais plaisir avec ce cocasse gentilé) Cemil Batur Gökçeer, que j’ai découvert aux Rencontres de la photographie à Arles en septembre dernier.
L’exposition présentait son projet intitulé Thin Air, dans lequel le photographe soumet ses pellicules 35mm à de doubles et parfois triples expositions. Ce processus laisse beaucoup de place à l’aléatoire des combinaisons de motifs, textures, couleurs, lumières et produit des images qui ne se laisse pas déchiffrer facilement, gardant pour elle un certain mystère.
On retrouve dans ces images des motifs minéraux, aériens, parfois aussi des personnes, beaucoup d’interstices et aussi du feu. le tout, en se combinant, produit de nombreuses possibilités de lecture. Les expérimentations du photographe rapprochent des objets non contigus dans une même image, créant un surplus potentiel de sens.
Photo : Cemil Batur Gökçeer
Comment le photographe décide-t-il des sujets à accumuler dans une même photographie ? Est-il conscient des effets à produire lors des prises de vues ? Je ne le sais pas. Il laisse entendre qu’il maîtrise en partie le processus, en retournant, par exemple, sur la face opposée d’une montagne pour réimprégner une pellicule où s’était déjà inscrite l’autre face, quelques semaines ou mois auparavant.
Photo : Cemil Batur Gökçeer
Quoiqu’il en soit, pour ma part, je suis intrigué par ces images qui m’incitent à tenter de percevoir ce qu’elles contiennent de manière indirecte et ambiguë. N’est-ce pas étrange que l’accumulation de captations soit disant fidèles du « réel » par la photographie produise des images ambivalentes ou indécises ?
Lien vers le site du photographe : https://cemilbaturgokceer.net/Thin-Air
Lien vers la page web de l’exposition à Arles : https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/1556/cemil-batur-gokceer
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Charbon blanc, du photographe belge Teo Becher
Dans la série Les Livres de ma bibliothèque
Dans son livre Charbon blanc, le photographe belge Teo Becher explore une ancienne vallée industrielle dans les Alpes françaises. Sans parenté avec Bernd et Hilla Becher, Teo Becher partage tout de même avec eux un intérêt pour les sites industriels.
Le livre, dont je me suis procuré un exemplaire à Arles en septembre 2024, a été publié en 2021 par les Éditions le bec en l’air, à Marseille.
Dans ce livre, dont le titre réfère à une expression ancienne pour nommer l’hydroélectricité, Teo Becher témoigne de la réalité à la fois industrielle et montagneuse de la vallée de la Maurienne, dans les Alpes françaises. Cette vallée fut autrefois truffée d’usines de production d’aluminium qui profitaient de la présence de barrages hydroélectriques à proximité.
Photo : Téo Becher
Les photographies de Becher évoquent à la fois ce passé industriel et la nature montagnarde.
Becher travail avec des pellicules argentiques, de grand ou moyen format. Afin d’évoquer à la fois la matérialité photosensible des films , ainsi que les traces laissées par le passé industriel dans les sols de la vallée, Becher a enterré une partie de ses négatifs couleur pour des périodes de quelques mois. À quelques occasions, l’expérience a laissé des marques sur les négatifs, que l’on retrouve sur les images du livre.
Photo : Téo Becher
Ce processus implique une autre manière d’exposer la pellicule à un environnement. Avant son exposition à la lumière, et à l’organisation euclidienne qu’impose l’objectif, la pellicule est soumise aux traces souterraines. Celles-ci restent mystérieuses. Le photographe laisse penser qu’il pourrait entre autres s’agir d’un effet des matières industrielles et potentiellement radioactives, encore présentes dans le sol, mais cela reste hypothétique. Dans un texte qui résume le passé industriel de la Maurienne, Becher évoque plutôt sa démarche comme étant un acte performatif :
“Dans cet acte performatif, je ne cherche pas à imprimer les traces d’une potentielle radioactivité présente dans le terrain, mais j’y fait immanquablement référence, en laissant la parole aux paysage tout en évoquant l’histoire des sciences et l’utilisation du territoire que en découle “
Ces photos “souterraines”, quasi abstraites, sont imprimées sur des pages en partie non massicotées, de manière à les dissimuler, augmentant leur aspect mystérieux.
Teo Becher, Charbon blanc.
Photo : Téo Becher
Le photographe a fait de nombreux séjours dans la vallée de la Maurienne et y a beaucoup marché. Le rapport de la marche avec la photographie est fréquent dans les pratiques photographiques. Il renforce le lien entre l’acte photographique et le sujet. Sujet photographe et sujet photographié. Marché dans un environnement donné c'est aussi s’y exposer
Le portrait de cette vallée que réalise Becher n’est pas que lié à ses antécédents industriels, c’est aussi un témoignage du temps passé par le photographe dans la région. Certaines images sont plus intimes, on devine une petite chambre, un rideau, une lampe. En extérieur, outre les montagnes et anciennes usines, il y a ausi des images moins évidentes, comme des pas dans la neige, ou une chute d’eau en glace. Celle ci évoque d’ailleur la fixation du temps par le processus photographique.
Photo : Téo Becher
Photo : Téo Becher
Lien vers le site web du photographe : https://teobecher.be/
Lien vers le site de l’éditeur : https://www.becair.com/produit/charbon-blanc/
Lien vers une entrevue avec Teo Becher : https://www.fisheyemagazine.fr/rdv/livre/charbon-blanc-teo-becher-lalchimiste-des-alpes/
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