J’ai demandé à ChatGPT 4o d’être un méchant et désagréable critique

Montagne Sainte-Victoire, 2022

On dit souvent que ChatGPT est flatteur, parfois même flagorneur. J’ai voulu savoir si il est capable d’être négatif, voir méchant. Pour le savoir, je lui ai fait la requête suivante, à propos de la photographie ci-haut :

“Tu es un vieux critique d'art désagréable et antipathique. Écrit un article négatif à propos de cette photographie de la Montagne Sainte-Victoire, en Provence”

Et voici les résultats :

"Un cliché de carte postale : platitude contemporaine sur la Sainte-Victoire"

Encore une photographie de la Montagne Sainte-Victoire, me direz-vous — ce pauvre morceau de Provence que Cézanne a immortalisé tant de fois, et que l'on continue à piétiner avec des objectifs sans âme. L’image ici proposée ne déroge malheureusement pas à la règle : elle recycle tous les poncifs du genre sans jamais prétendre à autre chose qu’une fade illustration touristique.

Le cadrage ? Plat et convenu. Le lac occupe mécaniquement la moitié inférieure de l’image, un miroir banal sans aucune tentative d'irruption visuelle, sans aucun contrepoint formel audacieux. L'eau est d’un bleu numérique irritant, cette couleur surfaite que les capteurs d'appareils récents semblent vomir par défaut, comme pour supplier l’œil de croire à une pureté qui n'existe pas.

La composition, de son côté, s’appuie sur la vieille recette usée du triptyque : eau, collines, ciel. Mais sans jamais créer de véritable tension visuelle. Les masses se superposent, paresseusement, sans dialogue, comme des strates d'ennui. Le regard glisse, indifférent, faute de points d'accroche pensés. Pas la moindre aspérité. Pas de surgissement, pas d’inconfort, pas même une fausse provocation esthétique.

Quant au ciel, qu'on aurait pu espérer plus dramatique pour compenser la mollesse terrestre, il s'étale en un nuageux bavardage insignifiant. Le photographe, manifestement content de son ciel pommelé, semble ignorer que des cieux trop bavards tuent tout mystère.

Et la montagne ? Ah, la montagne ! Cézanne, en triturant ses volumes, en exacerbant ses arêtes, en martyrisant ses couleurs, avait su en faire un personnage tragique. Ici, elle est réduite à un simple décor, propre et sans rugosité, écrasé sous une lumière trop crue, trop descriptive, incapable d'évoquer autre chose qu'une banale promenade dominicale.

On sent, dans cette photographie, l’absence totale de vision singulière, l’adhésion béate au pittoresque. Ce n’est pas un regard d’artiste, c’est celui d’un touriste pressé, ébloui par sa propre vacuité.

En somme : une image inoffensive, interchangeable, tout juste bonne à illustrer un dépliant de syndicat d'initiative.

Il me propose ensuite une version “sournoisement ironique, où le mépris est glissé sous des airs faussement admiratifs” :

"L'éternel triomphe du convenu : Sainte-Victoire, selon les standards internationaux de la beauté facile"

Ah, quelle fraîcheur, quelle nouveauté étourdissante : une photographie de la Montagne Sainte-Victoire ! Il fallait oser. On reconnaît ici un regard rare, un talent précieux : celui de ne rien déranger. De conserver la nature dans ce qu’elle a de plus assagi, de plus aimablement décoratif.

La composition est d’une rigueur exemplaire, respectant scrupuleusement les canons de la photographie d’agrément : un lac bien horizontal (n'ayons pas peur des banalités), une forêt savamment veloutée (pas un arbre en rupture), un ciel riche en détails anecdotiques pour occuper l'ennui de l’œil. Un travail d'orfèvre, dans l'art de ne pas bousculer.

La couleur, quant à elle, atteint des sommets de standardisation. Ce bleu parfait — ni trop éclatant pour effaroucher, ni trop terne pour déprimer — semble calibré pour séduire tous les écrans Retina du marché. C’est bien simple : on croirait contempler un fond d’écran Windows, soigneusement sélectionné pour ne heurter aucune sensibilité.

Et cette lumière ! Plate et démocratique, elle distribue équitablement ses rayons sur chaque élément du paysage, s'assurant que rien n'ait l'outrecuidance de dominer ou de provoquer. Tout est égal, tout est lisse. Rien ne dépasse, ni dans le cadrage, ni dans la tonalité : le triomphe absolu du politiquement correct visuel.

La montagne, cette pauvre Sainte-Victoire, naguère déchirée, pesante, presque vivante sous les pinceaux de Cézanne, n'est plus ici qu'un aimable ornement, posé là pour justifier la promenade photographique. On la remercie d'exister, poliment, avant de retourner vérifier si la carte mémoire a bien enregistré le cliché.

Bref : un chef-d’œuvre de conformisme visuel, un manifeste pour une photographie qui a enfin compris qu'il ne fallait surtout pas déranger le spectateur. Bravo, donc, pour cette capacité rare à capturer la nature... en la rendant absolument inoffensive.

Toujours en forme, il souhaite écrire une “parodie de note de galerie, dans laquelle je présente cette photographie comme une œuvre conceptuelle absolument "majeure", avec un jargon artistique pompeux et exagérément prétentieux” :

Dans cette œuvre magistrale, Sainte-Victoire : une topologie de l’immobile, Alain Depocas explore avec une acuité vertigineuse les tensions fondamentales entre fixité paysagère et errance du regard contemporain.

Ici, la montagne n'est pas simplement un relief : elle devient l’ultime bastion d’une résistance silencieuse face à la fluidité chaotique du monde numérique. Le choix assumé d’une lumière "banale" et d’une composition "conventionnelle" constitue un acte de subversion radicale : en refusant toute spectaculaire dramatisation du réel, l’artiste expose crûment l’indigence perceptive du spectateur postmoderne.

Le bleu du lac, d’apparence anodine, est en réalité une "surface d'échec", un piège optique tendu à l'œil, le contraignant à se perdre dans une monotonie qui questionne notre rapport obsessionnel à la distraction continue. La forêt, quant à elle, se donne comme une "structure-tampon", une dialectique organique entre mémoire territoriale et prolifération touristique.

Enfin, le ciel, avec ses cirrus étirés et ses cumulus empesés, fonctionne ici comme une métonymie du flux informationnel globalisé : étalé, omniprésent, insignifiant dans son excès même.

Ainsi, Sainte-Victoire : une topologie de l’immobile s’inscrit dans une tradition plastique où le refus de l'effet devient en soi un effet, et où l’absence de geste affirmé révèle le geste ultime : celui de ne pas céder.

Remarque du commissaire :
Le spectateur est invité à méditer longuement devant cette œuvre, à expérimenter la pesanteur du vide, et à se confronter sans échappatoire à son propre besoin infantile de stimulation esthétique.

ChatGPT ne s’épuise jamais. Il me propose de rédiger un discours d’inauguration d’exposition dans un style contemporain parfaitement dans l'air du temps, c’est-à-dire : volontiers flou, bardé d’anglicismes inutiles, truffé de citations apocryphes, et traversé par un enthousiasme auto-contemplatif — le tout sur un ton de célébration excessive pour une photographie désespérément anodine :

Discours d’inauguration — « Reveal Sainte-Victoire »

Bonsoir à toutes et à tous,
et merci d’être là pour ce moment absolument... vibrant.

Ce soir, nous ne sommes pas ici pour voir une simple image. Nous sommes ici pour ressentir — pour cohabiter avec un geste visuel qui déplace. Un geste qui décentre. Un geste qui interroge notre rapport à la verticalité, au territoire, à la carte postale.

Avec « Sainte-Victoire : Stillness as Rebellion », Depocas nous propose bien plus qu’une photographie : il nous invite à un re-framing sensible de notre imaginaire provençal. Ici, la montagne ne se montre pas — elle se maintient. Elle s’impose dans sa propre abstention. Elle est là, comme une instance de permanence dans un monde saturé de transitions.

Regardez cette eau. Ce n’est pas un lac. C’est un espace liquide de transition. Une interface. Une nappe d’incertitude.
Et ce ciel — vous le voyez ? Ce ciel n’est pas "beau", il est stratifié. Il est polyphonique, pour citer Félix Guattari, qui disait, je crois : « Ce qui compte, ce n’est pas le ciel lui-même, mais la façon dont il nous empêche de tomber. »

[rires polis]

Ce travail est une prise de position forte dans un monde en surchauffe symbolique. Il ne cherche pas l’impact. Il cherche la persistence. Il ne produit pas du contenu. Il propose un espace-temps contemplatif. Et c’est peut-être ça, le vrai luxe aujourd’hui.

Je voudrais remercier toutes les personnes qui ont rendu ce projet possible :
— le fonds régional de soutien aux images résiduelles ;
— notre partenaire vin biodynamique ;
— et bien sûr le collectif Paysage[s] en Retrait, sans qui cette exposition n’aurait pas eu lieu.

Alors, prenez le temps. Respirez. Laissez cette image infuser. Ouvrez vos pores visuels. Et souvenez-vous : parfois, ne rien dire, c’est déjà commencer à voir.

Merci.

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