Valserine, d’Aurélie Monnier
Photo : Aurélie Monnier
J’ai déjà évoqué mon intérêt pour les livres et projets photographiques portant sur les cours d’eau dans un texte intitulé Les cours d’eau comme thématique de certains livres photographiques. La récente publication de la photographe française Aurélie Monnier s’ajoute à cette catégorie. Valserine a été publié par Another Place (Irlande du Nord), dans la série Field Notes. Cette série propose de petits livres portant sur des lieux précis.
Photo : Aurélie Monnier
La Valserine est une rivière longue de 47 km. Elle coule principalement dans le Jura pour aller se jeter dans le Rhône. Elle ne traverse que de petites localités rurales.
Dans Valserine, la photographe documente un territoire qui va au-delà de la rivière elle-même, pour englober son bassin versant tout entier. Ainsi, la rivière est absente de plusieurs images, mais en même temps, elle y est présente, en ayant participé à la lente transformation des paysages et des lieux de vie. Parmi les images, on retrouve des habitants, des lieux habités, ou parfois abandonnés, et également des traces d’érosions.
Photo : Aurélie Monnier
Le livre contient 26 pages et 28 photographies couleur. L’approche de la photographe est simple, sans artifice, presque modeste. On ressent le lent travail d’observation, sur une longue temporalité.
La notion de lieu est ici prépondérante. Chaque photo est celle d’un lieu particulier, mais son inscription dans une série impose le lien avec la région explorée par la photographe et permet une autre lecture.
La séquence des images est subtile et provoque des dialogues et des tensions entre les images. Les personnages sont soit observateurs (du paysage, de la nature) soit acteurs (les pêcheurs). Une petite pierre tombale inscrit la présence humaine dans le paysage, tout comme des habitations en ruines.
Photo : Aurélie Monnier
Mais Valserine est bien plus qu'une simple documentation d’une rivière. À travers une séquence subtile, l'ouvrage propose une réflexion poétique sur la dualité de l'empreinte humaine dans un paysage. Celle se retrouve de manière convaincante dans une double page qui présente un pont et une spirale faite de pierres dans ce qui semble être le lit, ou une berge de la rivière.
La juxtaposition de ces deux images m’entraine vers une quête de sens. Elles présentent deux modes d’empreintes humaines sur le paysage de la Valserine. Le pont et la spirale sont tous deux produits de la fabrication humaine, mais tout les oppose. L’un est massif, fonctionnel et durable. Il permet la traversée de la gorge. L’autre est fragile, éphémère, sans finalité propre. La spirale repose sur le sol, en attendant d’être anéantie par une forte crue printanière. Le pont est massif et résiste à la crue. La fermeture de l’arc du pont fait contre écho à l’ouverture du cercle de la spirale. Le pont est rectiligne, la spirale tourne en rond.
À travers ce type de dialogues formels et symboliques, le livre semble proposer une réflexion sur les manières d’habiter ou de traverser le territoire, entre permanence et effacement.
Page de la la série Valserine sur le site Web de la photographe : https://www.aureliemonnier.com/valserine
Page de la publication sur le site web de Another Place : https://anotherplacepress.bigcartel.com/product/valserine-aurelie-monnier